Cet article présente le capitaine Stephen Kane, l’un des deux seuls pilotes de l’Aviation royale canadienne (ARC) à piloter le F-22 Raptor et le seul Canadien actuellement intégré dans une escadrille de chasseurs de cinquième génération aux États-Unis. Son expérience offre des perspectives uniques sur l’avenir de l’aviation de chasse canadienne, alors que l’ARC se prépare à l’arrivée du CF-35A Lightning II, partageant son adaptation à cet avion avancé et l’importance de sa perspective canadienne au sein de l’US Air Force.
Réédité avec la permission de l’auteur. Publié initialement dans MHM : RCAF Today 2024 par Chris Thatcher
Chevauchant le Raptor
En échange avec l’US Air Force, le Capt Stephen Kane est le seul pilote de l’ARC qui pilote actuellement un avion de chasse de cinquième génération. Par Chris Thatcher
En 2026, l’Aviation royale canadienne (ARC) débutera l’envoi du premier effectif de ses pilotes de chasse à la Luke Air Force Base en Arizona pour commencer l’entraînement sur le CF-35A Lightning II. D’ici là, seuls quelques pilotes canadiens en activité peuvent s’enorgueillir de savoir ce que c’est de piloter un chasseur de cinquième génération.
« C’est génial d’avoir un aperçu de ce à quoi cela va ressembler », a reconnu le capitaine Stephen Kane, alors qu’il accordait une entrevue plus tôt cette année.
Natif de la côte Ouest, Kane est l’un des deux seuls pilotes de l’ARC à piloter le F-22 Raptor, et le seul actuellement à participer à un escadron de chasseurs de cinquième génération, le 525e Escadron de chasseurs, connu sous le nom de Bulldogs, en Alaska.
« Cela vaut la peine de s’enthousiasmer pour ce qui s’en vient au Canada », considère-t-il.
« J’ai vraiment aimé piloter le CF-18, et il y a beaucoup de ressemblances – cela a semblé être un changement très intuitif simplement en se basant sur la façon dont le Hornet est conçu et construit. Mais le Raptor fait passer le tout à un niveau supérieur en matière de poussée, de manœuvrabilité, ainsi que de capacité des capteurs et des armes ; il passe sans contredit d’un chasseur de quatrième à la cinquième génération. »
Comme de nombreux pilotes de chasse de l’ARC, Kane a suivi le programme de formation à Portage la Prairie, au Manitoba, à Moose Jaw, en Saskatchewan, et à Cold Lake, en Alberta, où il a appris à piloter le Grob-G120A, le CT-156 Harvard II et le CT-155 Hawk, avant de passer au CF-188 Hornet au 410e Escadron d’entraînement opérationnel à l’appui tactique.
Affecté au 409e Escadron d’appui tactique en 2018, il a acquis une expérience opérationnelle en menant au NORAD des interventions d’alerte de réaction rapide (QRA) aux aéronefs russes qui pénètrent dans l’espace aérien nord-américain, et en participant à la mission de police aérienne de l’OTAN depuis la Roumanie en 2021.
Piloter comme officier d’échange dans un escadron de F-22 ne faisait pas partie de ses plans. « Je n’avais même pas réalisé que j’y étais admissible [ce poste est relativement nouveau] avant la fin de 2021 », a admis Kane.
Cependant, en tant qu’instructeur tactique, il possédait un ensemble de compétences recherchées par l’US Air Force pour ce poste. Kane avait suivi le cours de mise à niveau d’instructeur tactique et avait suffisamment d’expérience dans l’enseignement aux plus nouveaux membres du 409e Escadron des tactiques et de la façon de les utiliser en tant qu’ailier ou en tant que chef d’une formation. Il était l’un des nombreux pilotes possédant les connaissances nécessaires, et il s’est senti privilégié lorsqu’il a été sélectionné après un entretien avec des membres de la direction de la force de chasseurs.
En avril 2023, il a atterri à la Joint Base Elmendorf-Richardson, à la pointe septentrionale d’Anchorage, pour remplir les formalités administratives « non liées à la navigation », avant de partir pour le 325e Escadron de soutien à la formation à la Tyndall Air Force Base (AFB), dans la péninsule de Floride, pour trois mois de formation générale et sur simulateur. De là, il s’est rendu à la Joint Base Langley-Eustis en Virginie, où il a piloté le F-22 pendant un mois, avant de retourner en Alaska pour une qualification tactique.
Il s’agissait d’un bond générationnel en matière de technologie par rapport au Hornet, mais Kane s’est senti « assez vite relativement à l’aise dans le F-22 ». Jusqu’au moment où il a dû faire atterrir le chasseur pour la première fois.
« J’ai réalisé que je volais seul dans cet avion, sans personne, a-t-il expliqué. « J’avais passé cinq ans et demi à piloter un avion conçu pour un porte-avions et à le faire atterrir en conséquence. Maintenant, j’avais un avion conçu par l’Air Force [destiné] à atterrir uniquement sur terre. Donc, je revenais à la manœuvre d’arrondi de l’avion, à évaluer la hauteur et à toutes ces sortes de choses. Il n’y a personne pour vous aider à les déterminer la première fois. Mais la formation avait certainement été suffisante pour me préparer : cet avion est toujours en un seul morceau! »
Outre les différences au niveau du train d’atterrissage, selon Kane, lors de son adaptation à piloter un F-22, la poussée beaucoup plus importante de la force gravitationnelle (G) a été la différence la plus notable. « En particulier lors des manœuvres de base du chasseur dans l’arène visuelle, le Raptor dispose de neuf G pendant beaucoup de temps, et il a la poussée nécessaire pour rester à ces G plus élevés. C’était très évident. »
Comme les escadrons canadiens le découvriront bientôt, un chasseur furtif offre une sécurité et une discrétion bien plus importante. Il y a « certaines nuances dans ce domaine » qui affectent la façon dont il opère, a reconnu Kane, « mais mon objectif général est que je puisse servir pleinement comme pilote de Raptor. J’ai donc trouvé que les procédures et les protocoles entourant tout cela sont rigoureux, et qu’ils me permettent de faire mon travail et de respecter les procédures de sécurité de l’US Air Force. »
En fait, bien qu’il ait dû apprendre certains « éléments de traduction », notamment la terminologie, en tant que nouveau venu dans l’escadron, Kane a été pleinement accepté dans le 525e.
« C’est très semblable à ce qui se passe dans un escadron de chasse canadien, a-t-il déclaré. Je suis foncièrement intégré à l’escadron en tant que pilote de ligne, tout comme je l’aurais été dans un escadron de chasse canadien. J’ai fondamentalement les mêmes tâches et je subis les mêmes mises à niveau.
Au moment de l’entrevue, il avait accumulé environ 30 heures de vol sur le F-22. Il avait récemment terminé la formation de qualification de mission, l’équivalent des mises à niveau de préparation au combat de l’ARC, et il prévoyait un éventuel passage aux mises à niveau de leadership tactique pour les formations à deux, puis à quatre appareils.
« Je passe foncièrement ces premières années de carrière sur Raptor comme n’importe quel autre pilote de Raptor le ferait, a-t-il expliqué. De nombreuses normes tactiques sont légèrement différentes, mais dans la plupart des cas, il faut se qualifier physiologiquement pour piloter l’avion. Dans mon cas, c’était la force centrifuge. Je n’avais jamais poussé jusqu’à neuf G sur le Hornet, alors j’ai dû atteindre une force centrifuge de neuf G, ce qui a été tout un événement. »
Lorsque Kane est arrivé en Alaska, le 525e Escadron avait terminé quelques semaines plus tôt un déploiement de cinq mois à la base aérienne de Kadena au Japon. La prochaine affectation de l’escadron n’avait pas encore été décidée, mais en tant que pilote nouvellement qualifié pour une mission, il a reconnu qu’il pourrait faire partie de ceux qui seront déployés.
« Nous avons vu de nombreux avions de la coalition occidentale dans l’Indo-Pacifique et en Europe de l’Est, a-t-il noté. « Je ne sais pas précisément où cet escadron ira ensuite, mais le Raptor pourrait être déployé à une série d’endroits. »
D’ici là, tout vol opérationnel sera probablement une alerte de réaction rapide dans la région du NORAD en Alaska, une mission que Kane connaît très bien. « J’ai passé de nombreuses journées en alerte à Cold Lake et dans toute la région du NORAD au Canada. L’idée est que je m’intègre dans la région du NORAD en Alaska de la même façon que je l’ai fait au Canada. En tant que pilote de Hornet, j’ai même volé avec des Raptor d’Alaska lors de missions du NORAD dans l’Arctique. »
Une grande partie de ce qu’il apprend en matière tactique et opérationnelle s’applique au F-22, a expliqué Kane, mais on s’attend à ce qu’il revienne dans la force de chasse de l’ARC « avec une compréhension globale de la façon dont les avions de cinquième génération font le travail ».
« Beaucoup de choses sont spécifiques au Raptor, et cela ne sera pas très utile à une flotte de F-35, a-t-il déclaré. « [Mais] les tactiques de cinquième génération sont nées sur le Raptor – c’est là que tout a commencé – et je pense qu’il est utile que le Canada possèdent certaines de ces connaissances, alors que nous évoluons vers notre propre flotte aérienne de cinquième génération. La façon dont l’US Air Force mène une guerre de cinquième génération et la place du Canada dans ce contexte sont des éléments précieux, en particulier le rôle du NORAD, car nous sommes là pour faire le même travail. »
La contribution de Kane au 525e et à l’US Air Force est peut-être plus nuancée. L’expérience de combat avec des avions de quatrième génération ne manque pas dans ses escadrons, et l’USAF est déjà bien au fait de ce qui viendra après le F-35 – elle a récemment sélectionné cinq entreprises pour le programme Collaborative Combat Aircraft. Une perspective canadienne peut cependant contribuer grandement à une compréhension commune, a-t-il noté.
« Chaque pays pratique l’aviation de chasse de manière légèrement différente, bien que la plupart de nos alliés le fassent de manière semblable. Je vais peut-être remarquer des choses et poser des questions, car nous ne faisons pas les choses de cette façon précise au Canada, et cela leur donne une autre perspective pour évaluer ce qu’ils font », a-t-il déclaré.
« Nous sommes deux pays qui [se battent] côte à côte; dans ce contexte, il s’agit pour moi d’apprendre comment ils font les choses et de m’assurer que nous comprenons tous les deux à quoi cela pourrait ressembler dans le monde de la cinquième génération. En fin de compte, c’est un immense privilège d’être invité ici pour le faire. »